Libération le 7 juin
«Ecole occupée par les parents, bonjour!» A l’école Marcadet, dans le XVIIIe arrondissement à Paris, c’est la voix enjouée d’Habiba qui répond au téléphone. Depuis une semaine, cette mère d’un élève de maternelle et d’autres parents se relaient dans le bureau du directeur. L’occupation ne perturbe pas la classe : les parents se contentent d’être là, de filtrer les communications et de bombarder de fax le rectorat. La méthode vise à lutter contre les réformes Darcos sans en passer par une grève enseignante «trop pénalisante pour les familles et les instits».
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C’est d’abord la question du «fichier base-élèves» qui inquiète les parents. Cette base de données lancée en 2004 dans le primaire à titre expérimental se veut un logiciel d’aide à la gestion des élèves. Devant le tollé des parents et associations, le ministère de l’Education a déjà supprimé les données portant sur l’origine des élèves. Les suppressions de postes et les nouveaux programmes du primaire, accusés par les parents mobilisés de vouloir transformer leurs enfants en «robots bien dociles à qui il ne faut surtout pas apprendre à penser», achèvent d’attiser la contestation.
Relais. Côté enseignants, on accueille avec un certain soulagement la prise de relais des parents. «On ne pouvait pas faire grève indéfiniment. Des collègues ne suivaient pas et, à la longue, ça pèse trop sur les salaires», remarque Nicolas Faragout, de l’école Charles-Hermite.
Jeudi soir, les parents se réunissaient devant la mairie du XVIIIe. Au milieu des poussettes, des femmes voilées ou en boubous, il y a Francisco Kichout, père d’un petit garçon en CM1. Lui qui dit ne s’être «jamais autant mobilisé pour une cause», ne s’étonne pas de l’engagement de parents jusqu’alors peu impliqués dans la vie scolaire. «Beaucoup de gens ici ne sont pas allés à l’école et placent tous leurs espoirs en elle pour leurs enfants. Ils comprennent que l’on va vers une école à deux vitesses et savent qu’ils ne sont pas du bon côté de la barrière.»
Reste qu’à l’approche des vacances, les parents s’interrogent sur la suite d’un mouvement qu’ils peinent à coordonner et, surtout, à élargir, beaucoup étant trop pris pour occuper les écoles sur la durée. «C’est sûr, c’est David contre Goliath, soupire Francisco. Mais on sera là à la rentrée.»