Synthèse de la consultation sur les nouveaux programmes

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Voici la synthèse départementale du projet de programme
rédigée par Bernard ACHDDOU IEN-Adjoint à l'Inspecteur d'Académie
à l'attention de Monsieur le Recteur,
sur la base de l'ensemble des synthèses des IEN de circonscription de Loire Atlantique.

LA CONCLUSION EST EDIFIANTE !!

à télécharger en pdf  :  ici

lire le projet des nouveaux programmes


 

Consultation sur le projet de programmes 2008 en Loire Atlantique

 

Cette synthèse s’appuie sur les rapports réalisés par les 24 Inspections de l’Education Nationale du département suite à la consultation du projet de programmes réalisée le samedi 29 mars 2008 dans les écoles publiques et privées.

(A titre indicatif, il est recensé des avis détaillés de 428 écoles dans 14 circonscriptions).

 

Elle n’a pas pour objectif le recensement exhaustif de l’ensemble des observations recueillies mais vise plutôt à mettre en valeur les points saillants sans en édulcorer toutefois les propos.

 

En dépit de la diversité des formes employées pour faire part des avis recueillis, qu’il s’agisse du réseau des écoles publiques ou des écoles privées, d’écoles rurales ou urbaines et parmi celles-ci d’équipes pédagogiques habituellement mesurées dans leurs avis à l’égard de l’institution, l’impression qui prédomine est celle d’une profonde inquiétude, et d’un rejet global des textes soumis en l’état à la consultation.

 

A - APPRECIATION GLOBALE

 

Trois analyses principales étayent cette impression :

 

1- Alors que les projets de programmes annoncent s’appuyer sur le socle de connaissances et de compétences, les enseignants ne retrouvent dans les préconisations officielles ni l’esprit, ni la lettre de ces références hormis en langues vivantes (sans que l’horaire en soit précisé).                           

La Maîtrise de la langue française développée dans « toutes les disciplines » ne semble plus du tout abordée, par exemple au plan transversal : en sciences (carnet de sciences), en éducation civique (« débat réglé »), ou encore en mathématiques (rédaction d’énoncés, confrontation de réponses…).

Les compétences sociales et civiques (pilier 6), le parcours civique de l’élève et surtout le
pilier 7 : « l’autonomie et l’initiative » semblent en grande partie ignorés. Ainsi la réalisation de projets individuels et collectifs, la mise en œuvre de démarche de projets, le développement d’attitudes de « curiosité et de créativité », de « motivation et de détermination dans la réalisation d’objectifs » ne sont pas cités ou pour le moins très minimisés.

La notion de cycle est fortement estompée (voire disparaît) alors que les équipes pédagogiques parvenaient enfin à se l’approprier

 

2- L’objectif de recentrage sur les apprentissages fondamentaux, qui est annoncé comme constituant le fondement de la réécriture des programmes, parait en forte contradiction avec l’accroissement très significatif des exigences des apprentissages instrumentaux, alors que le temps scolaire pour tous les élèves est réduit de deux heures :

- connaissance du principe alphabétique et de correspondances phonétiques des lettres en GS (en confondant abusivement lettre et son),

- technique opératoire de la soustraction au CP et de la division au CE1,

- acquisition de la technique opératoire des quatre opérations des entiers et décimaux au CM2,

- connaissances grammaticales étendues à l’analyse de la phrase complexe au cycle 3 sur le modèle des programmes actuels de 5ème,

- connaissance du futur antérieur et passé antérieur au cours moyen, pour ne citer que quelques exemples.

 

Et ce, alors même qu’aucune notion fondamentale ne semble être retirée des autres disciplines que le français et les mathématiques, qu’une heure d’éducation physique et sportive est ajoutée à l’horaire officiel,  20 heures annuelles à réserver pour l’histoire des arts et que l’apprentissage des langues vivantes devrait commencer dès le CP.

Ainsi en Sciences et Technologie, non seulement le programme est strictement identique à celui de 2002 mais il s’y ajoute, non sans raison, tout le volet concernant l’éducation au développement durable.

 
Alors que l’ensemble de la répartition horaire n’est pas explicité, les enseignants ne comprennent pas la cohérence des propositions en adéquation avec l’objectif affiché.

Ils expriment fortement la crainte que cet alourdissement de fait des programmes, dans un temps réduit, et l’accroissement du niveau des exigences, par des progressions qui ne seraient pas seulement indicatives et surtout des évaluations nominatives, aboutissent à accentuer les différences entre les élèves.

 

 

3- Enfin, et peut être surtout, c’est la vision du rapport éducatif entre l’adulte et l’élève et le statut de l’élève comme acteur de ses apprentissages qui sont unanimement contestés.

 
Loin de dénier le besoin d’autorité assumée de l’adulte et le rôle indispensable de la mémorisation, dans le développement des apprentissages les enseignants ne perçoivent pas dans la seule transmission passive ou mécaniste des connaissances le gage d’une quelconque efficacité.

Les présupposés à l’origine des choix faits sont de l’ordre d’un « bon sens » autoproclamé et s’écartent des travaux de recherche en psychologie de l’enfant, en didactique des disciplines et en pédagogie publiés depuis des années.

Le leitmotiv des « exercices » comme canevas quasi unique de l’activité de l’élève leur parait trop réducteur au regard de la diversité des démarches qu’ils mettent quotidiennement en œuvre et pour lesquelles ils ont été formés.

Les situations de recherche, de confrontation de point de vue, d’élaboration conjointe de règles, de prise d’initiatives, semblent quasiment ignorées des projets de programmes : c’est la notion de « sens des apprentissages » qui est ainsi ignorée, en rupture complète avec tous les derniers textes officiels antérieurs.

 
La dimension caricaturale est atteinte dans le chapitre concernant « l’instruction civique » par les leçons de morale s’appuyant sur des maximes ou des adages.

Cette vision de la « préparation à la vie de citoyen » (cf socle commun de connaissances) leur parait totalement surannée, irréaliste et surtout inefficace  si elle ne s’appuie pas sur « une appropriation progressive des règles de la vie collective ». L’exigence du vouvoiement » comme marque de respect paraît extrêmement          formelle et artificielle.

La teneur idéologique de cette partie du texte est fortement dénoncée.

 
Les valeurs de respect de l’enfant, du développement de son esprit critique, fruit de la philosophie des Lumières, d’ouverture à la diversité leur paraissent profondément mises en causes, opérant ainsi une rupture avec le contrat moral dont ils se sentent porteurs et garants.

Sur ce point également, il faut souligner l’identité d’appréciation entre les enseignants des écoles publiques et des écoles privées.

 

B – ANALYSE DE CHAQUE PARTIE

 

En reprenant de manière plus détaillée chacun des volets de la consultation, des remarques fréquentes émergent :

 

1-       Pour l’ensemble des programmes

 

Les textes sont jugés globalement clairs à première lecture mais sujets à de trop nombreuses interprétations  lorsqu’on les analyse de plus près.

Il est unanimement regretté l’absence d’indication horaire précise pour les autres disciplines que le français, les mathématiques et l’E.P.S.

Le cumul d’une heure supplémentaire d’E.P.S. dans un cadre horaire resserré est jugé irréaliste.

La notion de cycle se retrouve fortement estompée.

Les démarches, permettant de prendre compte la différenciation pédagogique, ne sont pas du tout abordées.

Beaucoup d’écoles demandent pourquoi il n’a pas été préalablement réalisé d’évaluation des programmes  de 2002 (et des modifications récentes ajoutées en 2007) avant de lancer hâtivement une nouvelle rédaction.

Elles font valoir la difficulté qu’il y aurait à mettre en œuvre de nouveaux programmes dès la rentrée 2008 sans temps de préparation.

La référence d’histoire des arts, dont on ne perçoit pas la justification au regard des programmes existants est perçue comme trop ambitieuse pour certains points et trop lacunaire pour d’autres : le théâtre – la danse – le cinéma ne sont pas cités.

 

2-       A l’école maternelle : quelles identité et spécificité ?

 

La nouvelle place faite à la grande section est fortement discutée : on craint la perte de sa spécificité, réduite à une préparation exclusive du CP.

Les exigences en petite et moyenne sections semblent à contrario minimisées au regard des pratiques actuelles, en particulier en graphisme et écriture cursive.

Des compétences essentielles comme la « dictée à l’adulte » ou « raconter brièvement une histoire » ont disparu.

La place de la scolarisation des 2-3 ans semble totalement ignorée.

La substitution de la notion de « vivre ensemble » au profit de celle de « devenir élève » est unanimement regrettée : on craint une vision très individualiste et réductrice des apprentissages. « L’école doit avant tout être le lieu où l’on apprend ensemble » comme le souligne un Inspecteur.

Dans le domaine de l’écrit, les compétences attendues en grande section semblent trop ambitieuses et surtout font une place trop exclusive à l’apprentissage du code au détriment du sens.

Il est regretté la minimisation du rôle de la manipulation et de l’expérimentation dans les apprentissages, la disparition de la « connaissance et du respect de son corps ».

En langage, la trop grand importance accordée à l’acquisition systématique d’un capital de mots est critiquée et jugée trop rigide : elle nécessiterait des explications, un document complémentaire d’accompagnement.

Des écoles se demandent si le document « le langage à l’école maternelle » va demeurer une référence.

Si les progressions proposées dans la maîtrise des langages paraissent un outil intéressant, en particulier pour des enseignants débutants, beaucoup souhaitent que d’autres domaines, en particulier en mathématiques et découverte du monde, soient abordés.

En mathématiques, des connaissances simples comme « la reconnaissance de la forme du rectangle », semblent avoir été étonnamment oubliées alors que d’autres comme « associer le nom des nombres communs à leur écriture chiffrée » semblent trop ambitieuses en fin de grande section.

La littérature réduite à la lecture de contes parait en fort décalage avec la richesse et la diversité culturelles des pratiques actuelles.

 

3-       Au CP – CE1 : « trop et trop tôt » comme le résume un Inspecteur

 

Il est régulièrement demandé de réduire l’horaire d’E.P.S. pour consacrer plus de temps au développement de la culture humaniste, scientifique et technologique.

En lecture, le déséquilibre entre le travail grapho-phonétique, dont aucune école ne conteste le besoin, et l’accès au sens est jugé excessif.

La réduction de la notion de « production écrite » à celle de « rédaction », non définie, n’est pas comprise.

Il faudrait réserver l’étude des majuscules cursives au CE1, poursuivre l’étude des sons au CE1.

Les compétences attendues en grammaire, vocabulaire, conjugaison sont jugées beaucoup trop ambitieuses à nouveau.

Il en est de même de l’acquisition des techniques opératoires au détriment du raisonnement et des démarches d’apprentissage en passant par la « manipulation », dont le terme n’est plus cité, ou encore des notions de base à ce niveau de scolarité comme celles « d’échange et de groupement » qui n’apparaissent plus.

En histoire, la mémorisation de dates et de personnages parait trop exclusivement centrée sur la France, au détriment d’une ouverture culturelle, et surtout inadaptée au regard, à cette étape de la scolarité, de la construction « de la notion de temps historique ».

La liaison GS-CP, compte tenu du nouveau positionnement de la grande section, devrait faire l’objet d’indications claires.


4-       En CE2 – CM1 – CM2 : réduire ou creuser les écarts ?

 

En mathématiques, des exigences liées aux apprentissages instrumentaux semblent excessives : technique de la division et connaissance des nombres jusqu’au million au CE2, volume du pavé et du prisme, aire du triangle, règle de trois au CM2.

La résolution de problème n’est plus citée que dans le cadre des applications de techniques et non en vue du développement des compétences de raisonnement et de construction de démarches d’apprentissage.

En maîtrise de la langue, les mêmes observations qu’au CP-CE1 sont énoncées : analyse de la phrase complexe, emploi du temps du plus que parfait, futur antérieur, passé antérieur.

En littérature,il est constaté une minimisation des compétences attendues et de l’ouverture culturelle. On demande pourquoi il est proposé de faire lire un ouvrage par mois au CM1 alors que cette exigence n’est plus du tout citée au CM2.

En production écrite devenue « rédaction » sans véritable définition, le développement des compétences attendues n’est pas explicité.

En sciences, on demande si les démarches préconisées par « la main à la pâte » ont encore une validité et surtout une faisabilité compte tenu du temps imparti.

En E.P.S., la disparition de la dimension éducative et transversale de cette discipline risque de faire passer la performance au premier plan et les supports d’A.P.S. pour des finalités.

Il est demandé si « apprendre à porter secours » doit encore être mis en œuvre, compte tenu de sa disparition dans les textes.

Il en est de même de la pratique de la voile par exemple.

L’activité des arts plastiques semble se réduire au dessin, le travail sur les formes et les volumes n’est plus cité.

On craint surtout que la place de la pratique artistique soit fortement limitée compte tenu de l’alourdissement des connaissances en histoire des arts.

Le programme d’histoire et de géographie parait trop exclusivement centré sur la France au détriment de la compréhension du monde.

Enfin, on demande pourquoi il est introduit la connaissance de « règles d’acquisition de la nationalité française » actuellement présentée au niveau du collège, alors qu’a été retirée la référence à la « Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ».

Il serait également très utile de proposer une liaison plus étroite avec le collège en détaillant objectifs et modalités possibles.

 

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En conclusion, le sentiment profond qui émerge à la lecture de l’ensemble des synthèses est souligné par un Inspecteur : « à vouloir tout contrôler, tout surveiller, tout cadrer… on veut construire une école… où le formatage prime sur le développement de la personne et de son intelligence ».

 
 

Bernard ACHDDOU

Inspecteur de l’Education Nationale

Adjoint à l’Inspecteur d’Académie


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